Tout n'est finalement pas mort, puisque j'entends les cafards grouiller sur le sol humide de la forêt. Des milliers de brindilles se sont imprimées sur ma joue gauche, j'ai sans doute dormi longtemps. Trois ans, au hasard. Le ciel est rouge pâle et les oiseaux comme d'habitude. Je me lève et mes jambes sont engourdies. Ma vision est encore floue, le soleil crée des ombres monstrueuses (mais je ne suis pas dupe). Je me rassied, exténué par cet effort. La mise au point de mes yeux est enfin parfaite. Partout, des sapins. Nulle part, une sortie. Je vais errer dans ce labyrinthe longtemps, je crois. Deux jours, au hasard.

Je me sens mal, je me sens sale. J'écoute de la musique à la peau pâle et dehors le soleil crame. Nom d'une âme. J'ai rêvé que quelqu'un embrassait ma nuque et, en fait, personne. Je me réveille et j'agrippe les draps en hurlant. Un verre ébréché dans la gorge et des centaines de larmes après, je m'endors. Parfois des souvenirs surgissent et m'engloutissent. Un ballon rouge dans un ciel bleu, une main qui le retient, qui se détend. Il s'envole, ne revient jamais. Au revoir le ballon, bonjour la réalité. Il est 14h26 et je viens de vomir sur mon oreiller. Je sors, tant qu'à faire. Boire un verre, parler pour se taire, marcher dans les rues. J'ai dit à quelqu'un qu'il était moche et lui, n'a rien répondu. J'ai troublé le monde en jetant un minuscule caillou dans la grande marre limpide. Je me demande si ce soir en posant son dentier sur sa table de nuit, il va penser à moi. Il va penser à me détester, à me maudire, à m'insulter. J'espère presque, un sixième d'espoir, je termine de boire. Miroir. Une vieille tête bordée de cheveux longs et bruns me sourit. Je lui rends son sourire. Dans ma tête, il y a une danseuse prise dans une toile d'araignée. Plus elle se débat, plus elle est prisonnière. Qu'est ce qu'elle est belle la moribonde. Le noir envahit tout, chaque pores de mon corps, et puis bientôt la nuit. Tout est mort, bonsoir.